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ADEC


L'entretien se déroule, par une matinée d'hiver ensoleillée, dans son atelier, encore en chantier, dans la belle maison rénovée par ses soins d'un village Gard.  Une grande toile représentant des Flamands Roses est en cours d'achèvement. Elle doit être livrée dès le lendemain à Montpellier. 


Adrien 33 ans;  Mon blase, ADEC est tout simplement constitué par mes initiales

Le cheminement d’un jeune grandi en région parisienne


Je suis né a Paris et j’y ai vécu jusqu’à mes vingt ans. J’ai commencé à être attiré par les tags et les graffitis tout autour de chez moi, sur les voies ferrées et sur les trains, vers mes 13 ans, un cousin, plus âgé que moi qui était graffeur et avait créé un site internet, m’amenait avec lui pour pour chasser et photographier les graffitis.dans Paris.

Tous les crew, plutôt vandales, nous faisaient rêver. J’ai commencé comme ça parce que c’est ce que je connaissais. Je me suis acheté des marqueurs et j’ai fait ce qu’on appelait des «barannes». J’achetais ou je récupérais, ces fameux tubes de cirages terminés par un embout en mousse, je ne sais pas si ça existe encore. A la première utilisation on vidait le cirage, puis on remplissait le tube avec de l’encre. Ça faisait de super traits.

J’ai commencé en 1998, j’avais 13 ans, j’étais collégien. Je taguais mon nom, J’en ai eu plusieurs, le premier c’était Neska. Après il y a eu Pesk et nous avions créé un crew appelé AOB, Artists Of Babylon.

A ce moment là, je me suis fait attraper. Il y avait eu une petite enquête, ils avaient repéré tous le Pesk dans le quartier. La commissaire m’a sorti un dossier avec des photos de tous mes tags. Par chance sa fille était dans ma classe. Elle m’a dit qu’elle lui parlait toujours de moi. Elle a donc été conciliante et je m’en suis sorti avec un travail d’intérêt général (TIG), aller repeindre tous mes tags. Cette mésaventure m’a un peu refroidi.
 
Comme j’habitais une petite ville proche de Paris, on prenait la ligne de train et on faisait de petits tags. On commence donc forcément par du vandale. Je ne graffais  pas sur des terrains légaux mais sur des terrains tolérés. Il était toléré qu’on peigne et qu'on repasse dessus. Il y avait des forêts autour de chez moi et des endroits isolés avec des murs.

J’ai acheté deux ou trois bombes et au début je faisais du lettrage et même du lettrage 3D. C’était la couleur qui me plaisait. j'étais toujours frustré quand on allait le long des voies ferrées, parce qu’il ne fallait pas faire de bruit, aller vite. C’était plein d’adrénaline et quand on a quatorze, quinze ans c’est très jouissif,, mais je ne pouvais pas prendre de recul. C’est vrai que dans la finalité j’étais toujours insatisfait.

Je voulais mettre de la couleur et j’ai très vite privilégié les terrains vagues ou les usines désaffectées qui étaient semi-autorisés. On pouvait aller s’y balader, y passer le week-end . Même si des policiers passaient ils ne nous cherchaient pas des noises. Ils avaient d’autres chats à fouetter.

Je peignais tous les week end et le soir, dès que j’avais un moment, je commençais même à sécher des cours pour aller peindre avec les copains.

Je me suis fait attraper une ou deux fois pour des petits tags. J’ai eu des amandes à payer. A cette époque j’étais lycéen, je partais graffer le soir ou le week end avec une bande de copains. Des copains qui n’avaient pas tous la fibre  et abandonnaient vite. Il fallait trouver de quoi s’acheter un carton de six bombes qui partaient toutes dans l’après midi, parce qu’on improvisait. Maintenant que je fais de la peinture je sais qu’il y a une phase de recherche. A ce moment là elle se limitait à faire quelques croquis et des dessins sur du papier dans la semaine. Je savais ce que je voulais réaliser mais j’étais toujours frustré parce que je gaspillais de la peinture mais je ne réalisais jamais ce que j’avais imaginé.

Formation artistique maquette et trompe l’œil


J’ai arrêté le lycée en milieu de classe de seconde. En fait je passais mon temps à faire des graffitis sur les tables, je faisais même un roulement avec la complicité des autres élèves pour les peindre toutes. C’était un lycée assez libéral. La Directrice me laissait faire, mais un jour elle m’a convoqué et m’a proposé, comme je m’ennuyais de chercher ma voie ailleurs.

J’ai trouvé une école de maquétiste illustrateur. Il s’agissait de faire de la PAO de l’infographie pour devenir graphiste, créatif de publicité. C’était un brevet technique en trois ans. Dès la première année on nous demandé de rendre des devoirs picturaux à faire à la maison, sur un thème ou une couleur. J’étais tellement passionné que ne sortais plus le week-end. Je faisais plusieurs toiles par semaine. J’étais dans la frénésie de l’exploration.

En plus je n’avais plus le problème du budget que j’avais auparavant pour me procurer les bombes. Elles coûtaient cher et il n’était pas possible d’expérimenter.. A ce moment là j’ai véritablement découvert la peinture, la possibilité de mélanger. Avec un tube de jaune et un tube de rouge on pouvait faire une infinité de orangés. Je me suis régalé. C’est à ce moment là que je me suis mis véritablement à peindre et j’ai décroché mon CAP de maquétiste à la fin de la deuxième année. Mais bien que tout à fait au niveau sur les matières artistiques, j’avais complètement laissé de côté les matières générales. Je n’ai donc pas été admis en troisième année.

J’ai enchaîné sur une période peu concluante dans une école privée, trop orientée sur l’infographie et la publicité. Sachant que je ne pourrais pas explorer toutes les techniques et que le travail sur ordinateur était loin de ce qui m’interressait, j’ai préféré arrêter.

J’ai trouvé une formation de trompe soleil en six mois dans une école à Bruxelles, en Belgique. L’institut Van der Kellen, école reprise de mère en fille depuis deux cents ans. Pour moi qui voulais faire de la peinture avec des pinceaux, je me suis dit que c’était une bonne alternative. Mes parents de leur côté avaient bien compris que j’étais à la traîne et ont préféré que je sois bien.

J’avais vingt ans, ça faisait quelques années que j’avais lâché le graffitis, je faisais parfois quelques terrains, mais je n’étais plus du tout vandale. Ce n’était plus ma voie. Je préférais passer mes week-end  à la maison, si bien que mes copains s’en inquiétaient. J’expérimentais, je peignais toile sur toile, en mettant dans la dernière ce que j’avais découvert dans la précédente.

La formation trompe l’oeil m’a permis d’aborder de nombreuses techniques, peindre à l’huile, réaliser des faux bois, des faux marbres, des moulures. Nous étions en blouse, disposions de plein d’outils. Ça a été hyper enrichissant sur le plan technique, mais c’était de l’artisanat, pas de l’art.

J’ai pris les techniques mais je ne me projetais pas dans six mois peintre décorateur. Faire cent mètres carré de marbre, c’est de la répétition. Je n’étais pas très assidu, je ratais des cours, mais je me suis fait plein de copains. J’ai découvert la vie sans les parents, dans une ville plus petite que Paris.

Paris fourmille sur le plan artistique. Quand à dix huit ans je proposais d’exposer les portes restaient fermées. Le fait d’avoir travaillé dans la rue n’ouvrait pas encore les portes. Aujourd'hui le mot street art est un passeport. Quand je me présente en disant que je viens de la rue je vois que les yeux s’allument alors que si je dis que je suis peintre rien ne se passe.

Bruxelles était à échelle humaine, multiculturelle. C’est à cette époque que j’ai renoué avec le graffiti. Dans une ambiance bien éloignée de celle que j’avais connue à Paris.

A Paris, même si la veille on s’était croisé à la même soirée, quand on se retrouvait sur le terrain vague, on se disputait pour un bout de mur, dans une ambiance de guerre des gangs. En plus à Paris il y avait une aseptisation du graffiti. Le milieu était fermé. C’était des «il faut faire comme ci comme ça», des remarques si je peignais avec des rouleaux ou de l’acrylique. Tout devait être réalisé à la bombe. Des remarques aussi sur le style « bubble, non tu fais du flop». Moi ça m’exaspérait de devoir être mis dans une case. «c’est quoi ton blaze ? c’est quoi ton crew ?» même si la plupart des graffeurs étaient vandales, vu qu’on avait l’opportunité de trouver des terrains autorisés, ils venaient aussi. En plus il y avait les toys. Quand on peint sur un terrain on sait que ça va être repassé dans l’heure, dans la semaine ou dans le mois, tout dépend du terrain et de la pièce. Même si je n’ai jamais eu beaucoup de considération pour ma peinture et que j’ai toujours privilégié le moment de la réalisation c’était rageant.

Je me suis rendu compte, lors d’une jam organisée à Nerped,  sous l’autoroute, que loin du «chacun son truc», des regards et des démonstrations de force que j’avais connu à Paris, l’ambiance à Bruxelles était naturelle et conviviale, on s'échangeait des couleurs et des bières, on s’encourageait. Au final je suis resté sept ans en Belgique. Je vivais en couple. Ma compagne travaillait. Pour ma part je menais de pair toute une série d’activités autour de la peinture. J’exposais, je vendais quelques toiles. j'animais de nombreux ateliers et des stages autour de la maquette, du bricolage et de la récup.

Je côtoyais beaucoup de monde, en particulier des Français qui étudiaient dans une des deux grandes écoles de cinéma de Bruxelles. Ils m’associaient aux vidéos qu’ils devaient remettre dans le cadre de leurs travaux d’étude. Je réalisais des décors pour eux. Bruxelles abonde de friches, de nombreux spots en urbex.  Les graffeurs Belges, qui comme je l’ai dit sont plus partageurs que les parisiens m’invitaient souvent à des Jams. C’était les premières années de vie loin des parents, libre de sortir, de rentrer quand je voulais. Voilà, simplement une vie d’étudiant et une vie d’artiste.

Affirmation d’un style


Ma première exposition personnelle je l’ai faite à Céret, en 2007 pendant ma première année à Bruxelles. J’y passais mes vacances et le hasard des rencontres pendant la féria m’a amené à faire une exposition sur le thème de la tauromachie intitulée «Adec de toros»  C’est Jean-Pierre Piquemal, médecin de la corrida et amateur d’art qui m’a ouvert sa petite galerie qui donne sur la rue dans sa maison.

Je suis allé voir une corrida, j’ai découvert l’univers de la tauromachie qui est très décrié. Il est évident que c’est hyper violent mais plein de culture et de traditions. Sans rentrer dans le débat, je dis simplement que je l’ai découverte avec les bonnes personnes.

Comme j’aime travailler par séries, j’ai fait une série qui déclinait de la dernière nuit du taureau dans le toril jusqu’à la mise à mort et au tour d’honneur, toutes les phases comme me l’avait expliqué l’afficionado avec toute la musique qui rythmait. L’exposition a duré deux semaines et j’ai vendu quelques toiles.



C’est au cours d’un devoir sur le Minotaure, à l’école, à Paris que j’ai commencé à trouver un Style inspiré des cubistes. Je m’intéressais aux cubistes : Picasso, Braque ect... mais le choc pour moi a été le «nu descendant l’escalier» de Marcel Duchamp. Je trouvais la décomposition du mouvement magique.





Le hasard a voulu que ce soit à Ceret, ville ou Picasso, Braque, Picabia et bien d’autres peintres cubistes et fauve ont trouvé de l’inspiration que mon univers graphique a commencé à s’affirmer. Bien sur ce style a évolué au cours des années. Au début je faisais des têtes qui étaient comme des grains de café avec un trait, un petit décroché pour le nez. Tout s’organisait autour de ça. Je faisais beaucoup de décomposition de mouvement. Il me reste quelques vestiges de cette période. parallèlement je faisais aussi quelques portraits hyper-réalistes.

Pour ce qui est de la couleur, je travaille très peu avec la couleur brute. Les  couleurs sorties du spray telles qu’on les utilise dans le graffiti ne me satisfaisaient pas, même si on peut les associer. J’aime mélanger les couleurs. Je n’aime pas non plus dépenser des fortunes en bombes. J’ai un soucis d’économie et de récup. On peut toujours récupérer de l’acrylique. Je me fais charrier par certains graffeurs qui me disent que je suis un poète, que mes couleurs sont pastel, tamisées. C’est vrai, mais c’est ma façon de travailler. J’utilise une base de blanc, je travaille au rouleau, je fais des couches et des mélanges. Le blanc est hyper important pour casser. Pour la rue aussi je ne suis pas pour les couleurs trop criardes.

Avant la naissance de ma fille je peignais beaucoup de poissons, j’ai commencé les dernieres années à Bruxelles et je mettais des poissons partout. Ma fille est née sous le signe du poisson. Mais sans véritable intention l’évolution a fait que je suis passé à l’oiseau. Il y a donc environ trois ans.



Chaque premier mai les artistes de Sauve ouvrent leurs ateliers. La manifestation s’élargit aussi au street art dans le cadre d’une déambulation. J’ai été sollicité pour réaliser une oeuvre. Je n’ai pas voulu imposer quelque chose de gigantesque. Nous ne sommes que de passage dans un village. Y apporter du street art, qui est hyper urbain, pose question. Plutôt que de faire une grande fresque, j’ai préféré faire quelque chose de sympa qui pourrait se décliner. J’ai eu l’idée de réaliser des oiseaux à découper dans du kraft en gardant la couleur naturelle du papier et en dessinant en noir et blanc. 



J’ai fait une cinquantaine d’oiseaux que j’ai collés partout dans le village. Le collage c’est la possibilité de passer de l’atelier à la rue. C'est la continuité de la peinture. Je n’aime pas m’enfermer dans une boîte. Le collage est une possibilité comme une autre de s’exprimer. Par contre je ne me suis jamais lancé dans le pochoir parce que je n’ai pas assez de rigueur pour découper. En plus mon style ne s’y prête pas



Pour ce qui est de la sérigraphie, le côté reproduction ne m’emballe pas. Plutôt que de décliner je préfère peindre cent fois la même chose. Même si les dessins se ressemblent, ils sont différents. Et puis il y a l’incontrôlable, le geste, le mouvement, le spontané. Dans la sérigraphie je m’éclate à faire le patron, mais la plupart du temps je laisse à d’autres le soin de faire les tirages de tee shirts ou autres.Pour moi c’est une corvée. Il y aurait tellement de choses à explorer, mais le temps manque.

Mon plus bel atelier


Pendant longtemps j’ai eu un atelier à la maison, mais j’en cherchais un à l’extérieur. Un jour on m’a appelé pour me dire qu’il y avait des places dans un ancien couvent de jésuites. Le lieu était immense, plus de deux mille mètres carré sur six étages, un cloître, un jardin, une église désacralisée accessible. Tout ça en plein centre de Bruxelles.

Une association y donnait des concerts électro. Le loyer des ateliers n’était pas élevé, j’en ai donc pris un. La plupart des ateliers étaient occupés, mais au quotidien il n’y avait pas beaucoup de monde.

Je me suis installé dans le réfectoire. Je crois que c’est le plus bel atelier que j’ai eu de vie, à part celui que je suis entrain d’aménager. Seize mètres de long sur six de large et cinq de haut, avec des fenêtres qui donnaient sur le jardin.

J’y étais installé depuis un mois quand, un après-midi de dimanche, en février, je reçois un coup de fil qui me dit que le bâtiment a été squatté par cent cinquante personnes avec des enfants. On me dit que normalent ils se sont mis dans les pièces vides, pas dans les ateliers. Je n’y suis allé que le lundi matin.

Le système d’accès électronique à code avait été détruit. La porte était entrouverte. Il y avait des meubles partout dans les couloirs. Mon atelier était fermé, bien cadenassé, j’y suis entré, puis je me suis promené dans les couloirs. Je me souviens d’un homme, un Rom qui faisait cuire du pain perdu sur un réchaud posé sur une chaise. C'etait un  petit moustachu, je lui dit bonjour il ne me répond pas. Je continue, il me suivait avec sa poêle. Je croise deux jeunes de mon age, des roms avec des tournevis. On se parle. Voilà pour le premier contact et de fil en aiguille, j’avais mon atelier, ils ne l’avaient pas cassé. C’est devenu mes potes et je suis resté trois ans.

Le squat a duré quatre ans, c’est devenu le plus grand d’Europe avec soixante dix enfants Rom. Ils venaient de Kosice en Slovaquie. Il y avait aussi des marocains, des algériens, des indiens et même des brésiliens. C’est dans cet atelier que j’ai travaillé pendant mes dernières années à Bruxelles. J’y ai réalisé de beaux projets. J’avais des enfants qui me regardaient tout le temps quand je travaillais. Parfois il y avait des histoires.

Cap vers le sud


Nous aimions la vie à Bruxelles, mais nous étions lassés du gris et du froid. Quand le boulot de ma femme s’est arrêté on a décidé d'un nouveau départ, nous avons tout lâché et sommes venus dans le sud de la France.

En revenant de Ceret ou je retournais régulièrement je me suis arrêté aux Matelles pour visiter des amies de mes parents qui y tenaient un restaurant . Elles nous ont invité au méchoui de fin de festival les arts des vignes à Sussargues. J’ai proposé mes services pour réaliser l’affiche et la déco du site. J’y suis revenu six années de suite. Je débarquais avec des amis de Bruxelles, des musiciens, on peignait les décors, je faisais du live painting.

C’est a Sussargues que j’ai fait la première connexion avec Zest. J’habitais encore en Belgique, J’étais descendu avec une bande de pote musiciens. Zest était venu avec un groupe montpelliérain Swai. Il travaillait à la déco scénique.

Dans l’après midi le groupe faisait la balance. Le coin des Belges était installé à l’accueil avant l’entrée, mes potes s’étaient lancés dans une petite impro musicale. Le groupe montpelliérain est venu se joindre à eux. Quand j’ai raconté cette anecdote à Zest il y a peu de temps, il n’en croyait pas ses oreilles. Il avait connu là, comme moi, un moment d’osmose et de partage. C’est lui qui plus tard m’a fait connaître le Verdanson.





Nous avons eu l’opportunité de garder la maison, à Montfrin, d’un ami parti en mer. Nous y sommes restés un an. J’ai fait une petite exposition à la Colombière à Montpellier. A mes débuts en France je me suis fait connaître plus par mes sculptures et mes installations que par ma peinture. j'utilisais le carton, les métaux de récupération. J’avais acheté un poste à souder à Bruxelles mais je n’avais pas pu l’utiliser à cause de la fragilité de l’installation électrique au squat.

Après Montfrin, pour nous rapprocher du Pic Saint Loup, nous avons trouvé une petite maison à Corconne, ou nous avons passé trois ans. C’est à cette époque que j’ai connecté avec l’Expo de Ouf à Nîmes. J’avais tout simplement vu passer l’info sur facebook avec un numéro de téléphone. Appelez Cédric. Moi qui suis plutôt réservé et pas sûr de moi, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai appelé. Il faut dire que j’avais eu l’occasion de rencontrer Grumo en allant voir le cirque Turbulle qui avait planté son chapiteau à Val de Gour à Nîmes. Grumo y préparait une performance avec des enfants. J’avais connu Turbulle, qui est l’école de cirque de Nîmes parce qu’ils venaient à Sussargue faire des numéros de clown.




Je me suis rendu compte que Grumo et Supo qui animaient un lieu qui s’appelait La Ruche, qui était une belle ruche artistique, faisaient partie de l’Expo de Ouf, ce qui m’a encouragé à téléphoner. Je suis tombé sur Cédric alias Patate, très enthousiaste. Je me suis présenté, je lui ai dit que je venais de Belgique, que je vivais maintenant dans la région. Je lui ai fait passer un dossier. Mon travail lui a plu. Il m’a donné un rendez-vous la semaine suivante. Il m’a confié un mur que j’ai pu peindre. J’ai rencontré d’autres artistes dont Bault, RNST,hazo ,l'insecte...



Une seule fois dans le Verdanson


Je trouve que le Verdanson, cette longue artère qui traverse la ville de Montpellier, en semi sous-sol, lumineuse, est un endroit incroyable. Les artistes en herbe peuvent s’y faire la main. Il y a des secteurs pour les différents types d’oeuvres. Une opportunité dont j’aurais aimé bénéficier si j’avais grandi à Montpellier.

Une maman dont le fils de quinze ans commencait à taguer lui a offert une demi-journée de peinture avec un artiste avec tout le matériel nécessaire. Connaissant mal le Verdanson j’ai demandé à Zest de me conseiller sur l’endroit le plus approprié.  J’ai donc passé, un après-midi ensoleillé, rémunéré et tous frais payés à peindre au Verdanson à proximité du quartier des Aubes. Je me souviens avoir peint des pigeons pendant que le jeune garçon peignait son graph. Par la suite je n’ai jamais été invité au Verdanson et je ne m’y suis jamais invité non plus.

J’ai depuis trouvé d’autres endroits, mais l’occasion se re-présentera sans doute un jour de revenir dans le Verdanson.

Le Royal occupé


Pendant 10 ans j’ai peint tous les jours. Quand je me levais le matin c’était pour peindre. Depuis deux ans que j’ai acheté ma maison je consacre beaucoup de temps aux travaux. J’ai aménagé tout le bas. Du coup quand l’occasion m’est donnée de peindre je le fais de façon un peu frénétique.



Quand j’ai été invité à peindre dans le squat qui occupait l’ancien cinéma le Royal à Montpellier. Je suis arrivé un matin à onze heure et je suis reparti le lendemain à quinze heures sans avoir dormi. J’ai commencé par les CRS dehors, ensuite Nubian, que je ne connaissais pas, m’a invité à poursuivre sa fresque dedans. J’ai peint des personnages, des rouages, jusque sur la porte des toilettes. Quand j’ai eu fini il était quatre heures du matin.



Il était interdit de peindre sur la moquette noire de la salle de cinéma au sous sol. J’avais amené des craies blanches et j’ai dessiné une petite histoire, une caravane avec des personnages et un panneau «Caravanes interdites».. C’est un thème récurent chez moi, en hommage aux Roms que j’ai côtoyé dans mon atelier de Bruxelles. Quand j’ai lâché les craies il était neuf heures du matin et j’ai grimpé à une échelle pour peindre le bandeau de têtes sur le fronton du cinéma.



Mes peintures racontent des histoires. Ou plutôt c'est quand je peins que j’ai besoin de me raconter des histoires. Je fais rarement de grands personnages, sinon je pense que c’est un géant. J,aime bien avoir une assise. Il y a des gens qui pensent que mon travail part dans tous les sens. Mais je suis friand d’entendre les lectures que les gens font de mes tableaux.



Au Royal, Zest m’a fait remarquer qu’il n’était pas évident de comprendre ce que j’avais représenté. Il m’en a fait prendre conscience. Les enfants captent bien ma peinture. Je m’en suis rendu compte avec les enfants rom. Parfois j’ai l’impression que ce que je fais est trop simple alors je complexifie, je rajoute des personnages. J’aime jouer sur la lecture de loin et la lecture de près de mes tableaux. Comme je suis vite lassé, j’ai besoin d’une multitude d’informations pour redécouvrir le tableau. On ne s’arrête pas à une première lecture.







En tant qu’artiste je ne me met pas de bornes. Je saisis toutes les opportunités. Le street art n’est pas plus important pour moi que peindre sur toile ou assembler des matériaux, souder, réaliser des sculptures. Je n’ai pas de projets de carrière arrêté. J’aime bien toucher à tout, faire des rencontres. Le projet Iretge qui m’occupe actuellement me correspond bien. . Je vais là ou on m’invite là ou il y a des opportunités. Ce que j’aime par dessus tout c’est créer.







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